"Aux explorateurs de l’inconnu qui aiment apprendre en faisant un pas en arrière sur le chemin des ancêtres." Pascale Arguedas

chronique

Service public

Voici la lettre que je viens d’envoyer à la Banque Postale suite à la quasi-suppression de mon autorisation de découvert:

« Objet : réclamation au Responsable du Service Clients

Madame, Monsieur,

Quelle ne fut pas ma surprise en recevant ce matin votre courrier du 15/12/2010 m’annonçant la réduction de mon découvert autorisé qui passe ainsi de 700 € à 100 € à partir du 17/01/2011. Les raisons de ma consternation sont les suivantes :

1. Si vous suivez mon compte depuis son ouverture en 1997, vous constaterez que j’ai toujours respecté les règles de fonctionnement concernant le découvert autorisé.
2. Outre la somme que je prête gratuitement ne l’oublions pas, chaque fois que mon compte est créditeur, j’ai aussi prêté des sommes non négligeables à la Banque Postale grâce à l’argent placé sur mes comptes épargnes depuis 1997, avec des taux d’intérêt très faibles en comparaison de ceux pratiqués pour les découverts autorisés (15%).
3. Je n’ai jamais pu bénéficier de prêt de la part de la Banque Postale.

Je constate donc aujourd’hui que le seul service que la Banque Postale me rend en échange de l’argent que je lui prête, à savoir celui de m’octroyer des avances de trésorerie dans la modeste limite de 700 € pour 30 jours à un taux de 15% minimum, va être supprimé au bénéfice d’une simple autorisation de 100 €, une quasi-aumône. Et ce service qui ne coûte en réalité pas grand-chose à la banque m’est par contre très utile.

Lorsque j’ai choisi de prêter mon argent à la Banque Postale, je me suis félicité de soutenir un organisme qui participait encore de l’esprit du service public comme notre république avait su le mettre en œuvre selon la devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». N’oublions pas que la Banque Postale privée bénéficie par ses infrastructures postales publiques, du bénéfice de la solidarité collective que constituent nos impôts. Elle a donc en retour un devoir de service public.

Je constate donc, en cette période où la régression sociale précipite de plus en plus de personnes dans la pauvreté sous les coups de boutoir d’un système financier international à la dérive n’ayant plus d’autre finalité que celle d’accaparer toute la richesse commune, je constate donc qu’en ces temps où l’esprit de Service Public (et de service tout court) reste un dernier rempart à l’effondrement social collectif, la Banque Postale qui est née et a bénéficié pourtant de cet esprit pour sa propre existence, rechigne à rendre le service minimum qui légitime encore l’existence des banques, à savoir, l’obtention d’avances de trésorerie et de prêts aux particuliers ainsi qu’aux entreprises, et se laisse séduire par les sirènes de l’ultra-libéralisme.

Je considère donc cela comme une véritable trahison et j’éprouve une immense déception, d’autant plus que les relations avec votre organisme m’avaient été très satisfaisantes jusqu’alors, autant dans le contact avec les conseillers financiers rencontrés au fil des ans qu’avec votre Centre financier de Dijon qu’il m’est arrivé plus d’une fois de contacter.

Je vous demande donc de reconsidérer votre décision, la trouvant à la fois peu commerciale et de peu de considération pour la clientèle prêteuse, quasi-insultante lorsqu’on ose ainsi proposer une autorisation de découvert de 100 €, et donc, de maintenir les 700 € précédents.

Pour conclusion je tiens à dire que vous me voyez très fâché de telles méthodes et j’espère que vous saurez faire renaître la considération que j’ai portée jusqu’alors à la Banque Postale. Dans le cas contraire je préfère ne plus cautionner une telle politique de mépris à l’égard des gens et prêter désormais mon argent à d’autres organismes plus éthiques, les aléas de la fortune étant imprévisibles comme chacun sait. Ce sera avec tristesse que je verrai s’effondrer un pan de plus du Service Public à la française, héritage de nos aïeux dont nous pouvions pourtant être fiers.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer mes sincères salutations. »


Chronique de Craô (9) : le vote et la pensée magique

Mais que vont donc faire tous ces Européens, ce week-end ? Quel étrange rite pratiquent-ils ?

Ils vont voter, bien sûr (du moins certains d’entre eux). Mais pourquoi le font-ils, alors qu’il n’y a pratiquement aucune chance que leur voix soit décisive dans le décompte final des voix ? Hein… pourquoi ?

Demandez-leur et vous verrez que se cache là — dans l’un des plus beaux fleurons de la Modernité — une bonne part de cet archaïsme qu’est la « pensée magique ».

Elle est increvable, celle-la. On la renvoie par la porte, et hop ! elle revient par la fenêtre. En priorité, même, là où on ne l’attend pas. Où on ne la souhaite pas.

De quoi réjouir un « préhisto » (qui pourrait bien aller voter rien que pour la célébrer).

Nawa !


Chronique de Craô (8) : Le changement d’heure

Depuis le plus profond des âges, les humains semblent avoir célébré les changement de saison (voir notamment les articles consacrés ici à Samain, Imbolc, Beltaine, Noël, etc.).

On pensait nos temps modernes enfin débarassés de ces superstitions archaïques — comme si la saison avait besoin de notre appui pour survenir ! —, mais le changement d’heure est venu vite combler l’insupportable manque.

Ne nous y trompons pas : l’alibi prosaïque (économiser l’énergie) n’est qu’un mince et transparent vernis. Le changement d’heure est en effet, avant tout, dans sa réalité profonde, un rituel postmoderne de changement de saison.

On y retrouve en effet tous les éléments nécessaires :

– la dimension collective : c’est un des rares événements concernant, sans la moindre exception, tous les membres de la collectivité (qu’ils soient porteurs de Swatch, de Rolex ou n’aient rien au poignet)

– La dimension symbolique : il s’applique à ce qui est peut-être actuellement notre valeur suprême (ce temps que l’on mesure, allonge, gère, rentabilise, libère… bref vénère)

– La dimension sacrificielle : le passage est en effet dur pour tout le monde (même les vaches paraît-il ont du mal à se faire à la nouvelle heure de traite)

Il joue enfin — et j’aime à dire surtout — sur cette fameuse “règle symbolique” du don/contredon, en nous disant implicitement :

Donne-moi une heure de ton précieux temps, et je te fais venir le Printemps !


Chronique de Craô (7) : vente du siècle et collection

Prenons l’événement en apparence le plus éloigné des préoccupations du P.P., la vente dite « du siècle » de la collection Saint-Laurent/Bergé, et grattons un peu le vernis de luxe, de fric et de paillettes médiatiques.

Que trouve-t-on ?

Dans toute collection, une volonté de classer, rassembler, résumer et posséder le monde répondant à l’agoisse que son chaos éveille sans doute depuis la nuit des temps.

Dans chaque collectionneur, un chasseur traquant la pièce rare.

Dans toute vente aux enchères, surtout lorsqu’elle atteint de telles sommes, une résurgence de l’immémoriale dépense somptuaire du potlach constituant sans doute la remise en cause la plus radicale de la théorie de la valeur sur laquelle se fonde l’économie marchande.

Bref, comme toujours, même sous le vernis le plus clinquant… tonton Cro-Magnon.

Nawa !


Chronique de Craô (6) : Démocratie moderne ou primitive ?

On le sait, la démocratie est le plus beau fleuron de la modernité : né dans la Grèce antique, elle s’épanouit depuis la fin de l’Ancien Régime dans les pays les plus civilisés. Ces derniers en sont d’ailleurs si fiers qu’ils n’hésitent généralement pas à prendre les armes pour l’imposer à leurs voisins archaïques.

Rappelons le principe, en quelques mots, du « moins mauvais de tous les systèmes » comme on se plaît souvent à le qualifier :

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Pourquoi mon grand oncle se retournerait dans sa tombe

De mémoire de Craô, dans mes premiers printemps, j’étais vraiment amusé des extravagances de mon grand oncle Vania.

Après qu’Ourko ait su m’expliquer les rudiments de cet étrange moyen de communication qu’est l’internet – on arrête pas le progrès – , je suis tombé chez l’un de vos contemporains : Franck Boutonnet.

Celui-ci a illustré, grâce à sa boite à image, un événement survenu il y a de cela 5 hivers.

Je vous fournis le chemin de cette histoire et une image très représentative.

Aux arbres citoyens :

Encore un coup des progressistes pour provoquer mon grand oncle à titre posthume !!

Nawa !!


Chronique de Craô (5) : Femme des bois

Tribu du Brésil

De mémoire d’homme, nos frères de sang vivent en forêt et profitent des bienfaits de la nature pour boire, manger, dormir.

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Chronique de Craô (4) : Sauver l’obscur !

Sous l’impulsion de Vaclav Havel, au début de l’année 2002, la République tchèque a voté la première loi limitant l’éclairage nocturne. L’idée — portée à l’origine par l’association Dark Sky, créée en 1988 aux Etats-Unis — fait depuis son petit bonhomme de chemin. De plus en plus de pays occidentaux semblent désormais prêts à prendre ce type de mesure restrictives.

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Chronique de Craô (2) : Rendre à Césaire…

Aimé Césaire, le politicien-poète (poéticien ?) martiniquais dont on vient d’apprendre la disparition, est le créateur du concept de « Négritude ». Derrière ce terme, qu’il forgea en employa pour la première fois en 1935, il visait, en réaction à l’oppression du système colonial, à rejeter le projet français d’assimilation culturelle et cherchait à retrouver et promouvoir une Afrique opprimée et sa culture dévalorisée.

Dans ses Chants d’ombre, Léopold Sédar Senghor reprit le concept et l’approfondit en opposant la « raison hellène » à l’« émotion noire ».

Cette volonté de « retour au pays natal » (titre d’un Cahier de Césaire, paru en 1939), de se décoloniser d’une rationalité occidentale oppressante, de se ressourcer auprès d’ancestrales racines, etc., ne rejoint-elle pas – au-delà de la cause « Noire » – les objectifs du Parti Préhistorique ?

Tout individu, quelle que soit son origine, ne ressent-il pas aujourd’hui, sous son « vernis moderne », une sorte de Négritude sourde et puissante qui ne demande qu’à ressurgir ?

Nawa !


Chronique de Craô (1) : toucher la flamme

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Depuis l’aube des temps, tous les groupements d’individus — de la tribu à la Nation — ne peuvent se constituer, et surtout durer, qu’en instituant divers rituels de détournement de l’agressivité. Du temps où l’on savait contenir celle-ci par des systèmes d’inhibitions du meurtre, un jeu guerrier tout à fait inoffensif était fort couru : s’approcher au plus près de l’ennemi jusqu’à simplement… le toucher (ce qui revenait à le « tuer », au niveau symbolique). Les enfants (post)modernes — qui jouent naturellement à « chat » dans les cours de récréation — en ont d’ailleurs semble-t-il un excellent souvenir instinctif.

Je suis ravi de constater que des adultes réactivent aujourd’hui cette pratique ancestrale. Regardez bien ce qui se passe autour de la flamme olympique. Ne percevez-vous pas, comme moi, ce petit sourire de contentement qui, même sous les masques les plus graves et sérieux, dit : « Vous avez peut-être gagné la flamme, et le droit de la brandir triomphalement chez nous, mais nous — tralalère ! — on est parvenu à vous l’éteindre deux fois ! »

Nawa !