"Aux explorateurs de l’inconnu qui aiment apprendre en faisant un pas en arrière sur le chemin des ancêtres." Pascale Arguedas

Archives de juillet, 2010

L’étrange (et souriante) tribu des Pirahâs

C’est grâce à Daniel L. Everett que nous connaissons les Pirahâs. Ce linguiste anthropologue américain a en effet passé plus de sept années dans cette petite tribu d’Indiens d’Amazonie et fait le récit de cette étonnante expérience dans un ouvrage paru en 2008 et traduit en 2010 par Flammarion sous le titre : Le monde ignoré des Indiens pirahâs.

Et l’on découvre une tribu singulière et vraiment déroutante :

« Un groupe de visiteurs, des psychologues du département des neurosciences cognitives du Massachussets Institute of Technology, m’ont fait observer qu’ils paraissent être le peuple le plus heureux qu’ils aient vu au monde. Je leur ai demandé comment vérifier une telle déclaration. Ils m’ont répondu qu’on pouvait mesurer le temps que le Pirahâ moyen passait à sourire et à rire, puis le comparer avec le nombre de minutes que souriaient et riaient les membres d’autres sociétés, comme les Américains. Les Pirahâs gagneraient haut la main, disaient-ils. Parmi la vingtaine de groupes amazoniens isolés que j’ai étudiés ces trente dernières années, seuls les Pirahâs font preuve d’un bonheur aussi inhabituel. Presque tous les autres Indiens semblent souvent maussades et renfrognés, tiraillés qu’ils sont entre le désir de préserver leur autonomie culturelle et celui d’accéder aux biens du monde extérieur. Les Pirahâs ne connaissent pas ce genre de conflit. »

Quel est donc leur secret ? En quoi leur rencontre peut-elle être celle de l’altérité radicale ? Réponses dans les commentaires…


Renaissance de l’homme Epiméthéen

« […] Le monde des primitifs est gouverné par le destin, les faits et la nécessité. En dérobant le feu céleste, Prométhée changeait cela, les faits contraignants se muaient en problèmes à résoudre, alors qu’il mettait en doute la nécessité et défiait le destin. L’homme pouvait alors prendre le monde au piège du réseau de ses routes, de ses canaux, de ses ponts, créer un décor à sa mesure. Il prenait conscience de pouvoir affronter le destin, de changer la nature et de façonner le milieu où il vivait, bien que ce fût encore à ses risques et périls. L’homme contemporain veut aller plus loin : il s’efforce de créer le monde entier à son image. Il construit, planifie son environnement, puis il découvre que pour y parvenir il lui faut se refaire constamment, afin de s’insérer dans sa propre création.

[…] Il s’est armé d’outils tout-puissants mais ce sont ses outils qui le dirigent. Toutes les institutions, par lesquelles il entendait exorciser les maux originels, sont devenues des cercueils dont le ouvercle se referme sur lui. Les êtres humains sont pris au piège : prisonniers des boîtes qu’ils fabriquent pour enfermer les maux que Pandore avait laissé échapper.

[…] Dans les pays capitalistes, communistes et « sous-développés », une minorité commence d’apparaître qui éprouve un doute, se demande si l’homo faber est bien l’homme véritable. Et c’est ce doute partagé qui annonce une nouvelle élite, à laquelle appartiennent des personnes de toute classe, de revenus divers, de croyances différentes. Elles se méfient des mythes de la majorité : des utopies scientifiques, du diabolisme idéologique et de cette attente du jour où les biens et les services seront enfin distribués de façon égale. Elles partagent cependant avec la majorité le sentiment d’être pis au piège, la conscience que la plupart des nouvelles dispositions politiques adoptées avec un large soutien populaire conduisent à des résultats opposés à ceux que l’on se proposait d’accomplir. Pourtant, alors que la majorité prométhéenne des aspirants astronautes veut encore se dissimuler le problème fondamental, cette minorité en voie d’apparition commence de critiquer le Deus ex machina scientifique, la panacée idéologique et la chasse aux démons et aux sorcières. Cette minorité commence d’exprimer sa méfiance à l’égard de nos institutions contemporaines qui nous lient comme les chaînes tenaient Prométhée à son rocher. Il faut que l’espoir confiant et l’ironie classique (eirônéia) s’unissent pour dénoncer l’erreur de Prométhée.

[…] Il nous faudrait maintenant un nom pour ceux qui croient à l’espoir plus qu’aux espérances, […] un nom pour ceux qui aiment la terre sur laquelle nous pouvons nous rencontrer […] Pourquoi ne pas appeler ces frères et ces soeurs, porteurs de notre espoir, les Epiméthéens ?

(Ivan Illich, Une société sans école, Seuil, 1971)


De l’influence du PP sur les méthodes pédagogiques

Mais quelle mouche m’a donc piqué ?

Je commençais à pouvoir ronronner tranquilou dans ma classe de CM1 et voilà qu’au détour d’un départ en retraite d’un collègue me toque l’idée de changer non seulement de niveau mais de méthodes d’enseignement. Aux oubliettes, donc, le « frontal » traditionnel ! L’année prochaine, si le fruit de mon labeur estival parvient à maturité, j’explore le CM2 en pédagogie « Freinetique ». Enfin, c’est peut-être un bien grand mot qui ne veut pas dire grand chose. Disons que j’envisage d’aborder la classe tout autrement.

Quelque chose me dit que les diverses cogitations du PP ne sont pas pour rien dans cette soudaine mutation…